Histoire des Willemois

Le petit peuple des marais de Willems

Les premiers documents qui évoquent Willems sont de Saint Eulethère, qui de Blandain, manifeste la volonté d’évangéliser « une population misérable qui erre entre brume, eau et bois ».

Il s’agit bien sûr des habitants des marais qui dépendront très rapidement de la châtellenie de Lille (le Bus – le Fresnoy – les Marais – Robigeux).

La vie devait y être dure, dans un milieu assez hostile et surtout impropre alors à l’agriculture.

C’est sans doute ce qui motiva la relative générosité de Louis XIV à faire don aux différentes communes de la vallée de la Marque de ces terres marécageuses.

Ce don fut une première fois réparti entre les communes (de Flers à Ennevelin) au prorata du nombre de foyers de chacune d’elles.

C’est ainsi que la commune devînt en 16 , propriétaire d’environ 65 hectares qui étaient alors terrains communaux.

Est-ce poussé par l’individualisme des willémois ou en raison des chamailleries continuelles sur l’exploitation de ces terrains communs dans les années 1800 et comme la plupart des autres communes, que le Conseil municipal effectua le partage de ces terrains entre les différents foyers (feux en français ancien).

Ce fut, après de longs débats, chamailleries et jalousies, l’attribution initiale d’un lopin de terre des marais à chaque foyer : les portions ménagères.

Pour perpétuer le dispositif, une liste de foyers willémois était tenue à jour en Mairie suivant l’ordre d’installation. Chaque fois que s’éteignait un foyer (par décès ou déménagement), la parcelle était attribuée au premier de la liste encore non pourvu.

En 1966, une loi motivée par l’aménagement de la ville nouvelle sur les communes de Ascq, Annappes et Flers, permit aux communes de sortir de ce mécanisme devenu désuet.

Mais la dite loi obligea les mêmes communes à indemniser tous les ans les anciens attributaires de la valeur d’un loyer de terre agricole et c’est ainsi qu’au mois d’octobre 2003, 98 foyers willémois continuent de percevoir la valeur de location de la portion ménagère qui leur fut octroyée.

Très peu de détenteurs exploitaient ces terres ingrates et la confiaient aux agriculteurs qui les rémunéraient dans une joyeuse anarchie, cela allait de la provision annuelle de pommes de terre aux sacs de grains pour les coulonneux, car très peu payaient un loyer précis et en argent.

La première phase des terrains communaux y a plus ou moins fixé une population pauvre, indigente qui vivait difficilement d’activité de pêche, vente de tourbe, petit élevage (oies-moutons) ou d’expédient : braconnage, chapardage…

Résidant dans de misérables chaumières et dans l’humidité (« village aquatique »), il se développa dans ces secteurs marécageux de la vallée, une culture particulière des relations : rebelles, frondeurs, maraudeurs, suspicieux à l’égard du reste du monde (les habitants du bourg, les fermiers, les bourgeois, les garde-chasse).

Ce qui autorisa Paul DELSALLE dans son excellent livre « La Vallée de la Marque » à caractériser ses habitants sous l’appellation « Le Petit Peuple des Marais ».

Bien sûr tout cela est de l’histoire ….. ancienne ! La vie moderne a depuis longtemps bousculé cette culture qui faisait dire d’un chamailleur des marais : « Celui-là a été élevé au coin d’un bois ».

Paul Deffontaine, septembre 2004

Les forgerons à Willems

Willems a perdu ses deux derniers forgerons dans le début des années 1960. Cet artisanat, très lié à la vie rurale où le tracteur, les pneus et la soudure n’existaient pas, était aussi une partie de la vie, du spectacle et du lien social du village.

Le premier à arrêter fut Monsieur KUHN dont la forge était située au 14 rue Jean Baptiste Lebas, juste à côté du local qui accueillit pendant deux décennies le Crédit Agricole.

Le deuxième et dernier, fut Monsieur THIERRY dont la forge très typée (photo ci-jointe), fut détruite dans une première phase avant les maisons plantées au milieu de ce qui constitue aujourd’hui la placette de la rue Jean Jaurès.

Combien de chevaux, les « travaux* » placés sous l’auvent de la forge, ont-ils reçus, ferrés par plusieurs générations de « THIERRY » (dont le père de Raymond le dernier forgeron qui eu la triste obligation de descendre les cloches et de les remettre aux allemands lors de l’occupation de 1914/1918).

Une opération de remplacement des fers usés durait environ deux à trois heures, la moitié lorsque par économie le fermier ne ferrait que les deux pattes arrière !

Souvent, après l’installation du cheval, le fermier partait boire un verre au bistrot ou partageait une conversation à bâton rompu, avec le forgeron.

Car ce dernier, après avoir déferré la patte, partageait son temps entre d’une part la forge et l’enclume où il formait le fer à la patte à ferrer et le cheval où il ajustait le fer encore rouge et chaud.

Ces essayages se faisaient dans une fumée âcre de corne brûlée qui énervait quelque peu l’animal.

Une fois le fer bien adapté au sabot, il fallait le clouer dans le sabot par 6 clous, dont la tête venait se loger dans des évidements prévus à cet effet.

Ce spectacle fascinait toujours les enfants qui, particulièrement le jeudi, (à cette époque jour de congé scolaire), suivaient l’opération de bout en bout, sans oublier de saluer le cheval ou de le taquiner, ce qui avait bien sûr le don d’énerver « THIERRY » autant que le cheval.

Un autre spectacle très partagé par le jeune public consistait à remplacer le bandage usé de fer des anciennes roues de chariot.

 

Il s’agissait là aussi de tout un rituel aux phases précises et chronologiquement bien ordonnées.

En premier lieu, le forgeron disposait les plots en bois de façon très méticuleuse et de niveau, pour dans un second temps y déposer dessus la roue sans le bandage.

Une petite vérification s’imposait alors pour vérifier, en le présentant sur la roue, que le bandage à cercler était légèrement plus petit que la roue qui devait le recevoir.

Venez alors l’opération la plus lourde et la plus pénible : dans le charbon porté au rouge, chauffer le cercle de fer pour obtenir une dilatation suffisante, afin de le faire rentrer sur la roue de bois.

Même si la chaleur se propage facilement dans le fer par conduction, il fallait faire tourner le bandage autant pour une chauffe régulière que pour éviter les déformations d’une partie laissée trop longtemps au cœur du foyer.

A l’estimation et l’expérience, le forgeron évaluait la dilatation suffisante pour amener alors le cercle dilaté sur les cales qui tenaient ce bandage bien en face de la partie en bois et c’est à ce moment là que se jouait la partition.

Une fois le cercle bien en place autour de la roue, il fallait très rapidement refroidir, à la fois pour enserrer très fortement les parties boisées de la roue, comme pour éviter qu’elles ne brûlent et bien sûr cette opération devait se faire de façon équilibrée sur l’ensemble du cercle.

Des petits seaux d’eau avaient préalablement été disposés à la circonférence (du cercle des enfants curieux) et de façon rapide et mesurée le forgeron, obligatoirement accompagné par une seconde personne pour cette opération, arrosait rapidement en un geste circulaire chaque demi-circonférence, dans un dégagement de fumée qui faisait rire et s’exclamer la troupe des gamins spectateurs.

 

Nous n’avions pas la télévision et très peu de radio, mais ce spectacle de bord de rue était une partie de l’amusement des enfants de l’époque, et la dernière génération qui en fut témoin, conserve la mémoire des images et des odeurs (très particulières), qui sont autant de souvenirs que l’on peut encore retrouver aujourd’hui, à l’occasion des fêtes champêtres qu’organisent ici ou là, les agriculteurs.

 

*"travaux" : cadre en bois grossier permettant l´immobilisation du cheval pendant le ferrage.

Texte : Paul Deffontaine 2006

Date de dernière mise à jour : lundi, 01 mai 2017